lundi 22 mars 2010

Pourquoi payer un Picasso 75 millions d'euros ?




C'est la question qui revient sans cesse lorsque l'on parle de tableaux de maîtres et de ventes aux enchères : "Mais pourquoi payer des millions d'euros une toîle, fût-elle d'un grand maître de la peinture ?" Loin de moi de justifier les sommes colossales qui sont dépensées par certains collectionneurs ou musées internationaux, je vais quand même tenter de vous apporter quelques éléments de réponses.

Rappelons déjà quelles sont les cinq plus grosses enchères de ces dernières années :

1) Alberto Giacometti, "L'homme qui marche I" (Sotheby's Londres, février 2010): 75 millions d'euros.
2) Pablo Picasso, "Le garçon à la pipe" (Sotheby's New York, mai 2004) : 74,9 millions d'euros.
3) Pablo Picasso, "Dora Maar au chat", 1941, (Sotheby's New York, mais 2006) : 70,5 millions d'euros.
4) Gustav Klimt, Portrait d'Adèle Bloch-Bauer II, 1912 (Christie's New York, Février 2006) : 65 millions d'euros.
5) Vincent Van Gogh, "Portraut du Docteur Gachet à la branche de digitale, 1890 (Christie's New York, 1990) : 63 millions d'euros.
(retrouvez toutes les informations sur ces enchères dans la rubrique "top 5 des plus grosses enchères", dans la rubrique en haut à droite) 

A noter déjà que les plus grosses enchères concernent principalement des peintres qui se situent après la deuxième moitié du XIXème s, que l'on peut qualifier donc de modernes, l'ancienneté du peinture n'est donc pas gage d'un prix élevé ! Le peintre ancien le plus cher au monde est Rubens avec 56 millions d'euros pour le "Massacre des Innocents" (1611), vendu par Sotheby's Londres, en 2002.

Le prix d'une oeuvre d'art répond déjà à un critère tout simplement issu de l'économie de marché : l'offre et la demande. Cela permet de définir la côte d'un artiste. Plus les oeuvres d'un artiste sont demandées et plus ses prix augmentent. Plus l'offre d'un artiste reconnu est limitée et plus les prix grimpent. Ainsi, il n'est pas étonnant qu'un artiste comme Modigliani, qui a eu une carrière assez brève, s'arrache à des prix très élevés. Bien que fondé sur un critère économique, la côte résulte tout de même de facteurs subjectifs : la mode, le goût d'une époque, le goût des collectionneurs ... mais cela repose malgré tout sur l'importance que l'artiste a eu sur son époque et sur les générations futures. A-t-il créé un nouveau courant artistique ? A-t-il fait avancer l'histoire de l'art ? Picasso est certainement le meilleur exemple d'un artiste qui a lancé de nouveau courant comme le cubisme et qui a permis le passage du figuratif à l'abstrait. Il faudra également attendre quelques temps avant de savoir si des artistes comme Damien Hirst, soutenu par les grands collectionneurs d'aujourd'hui, justifient leur prix actuels.  

Une oeuvre qui atteindra des sommes considérables est également une oeuvre d'une qualité irréprochable, tant dans son exécution que dans sa conservation. On parle alors d'oeuvre de qualité "muséale", c'est-à-dire tout simplement digne d'intégrer les collections d'un musée.

Une donnée très important entre également en jeu, à savoir la provenance de l'oeuvre. Les oeuvres qui font des prix importants en ventes aux enchères proviennent de collections très prestigieuses : Le garçon à la pipe de Picasso était ainsi dans la collection de la famille Whitney, célèbre famille d'industriels et grands collectionneurs d'art, ils sont à l'origine de la création du Whithney Museum of American Art de New York. Plus proche de nous, en 2009, la collection d'Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé a fait des records d'enchères. Cela est dû, d'une part, à la qualité des oeuvres en vente, mais également parce qu'elles provenaient de galeries très connues (Kugel...) et surtout de la collection du célèbre couturier. Le "pédigrée" de l'oeuvre est donc un facteur non négligeable pour le succès d'une oeuvre aux enchères.

Liée à la provenance, on peut également évoquer l'historique de l'oeuvre. En effet, une oeuvre qui a fait l'objet d'une publication par un universiteur ou un professionnel de l'art, qui a été présentée dans des expositions importantes s'en trouve d'autant plus valorisée. Une telle démarche permet, tout d'abord, de lever tout doute sur l'authenticité de celle-ci et nous renseigne sur l'intérêt qu'elle présente au regard de l'histoire de l'art. Le détournement de ce principe en est que, parfois, des expositions sont montées de toute pièces, en collaboration avec les musées et les héritiers de certains artistes, pour ensuite permettre à ces derniers de vendre les oeuvres reçues en héritage à un prix bien supérieur à celui du marché.

On peut parler également pour ces ventes record d'oeuvres "fraîches". Non pas qu'elles aient été peintes récemment, mais parce qu'elles sont fraîchement débarquées sur le marché de l'art. En effet, les collectionneurs apprécient d'autant plus une oeuvre qui n'a jamais fait ou à de très occasions l'objet d'une vente aux enchères. On estime qu'une oeuvre qui revient très régulièrement sur le marché, qui ne se vend pas très bien, même d'un grand artiste, est "grillée" sur le marché. Cela peut venir du fait que sa qualité est médiocre ou que l'authenticité de l'oeuvre pose problème. On comprend donc que marchands et commissaires-priseurs souhaitent avant tout toucher de vieilles collections particulières, avec des oeuvres qui sont restées très longtemps entre les mains de la même famille.

Voilà pour ses quelques éléments de réponse.
Après, libre à vous de vous faire une opinion !

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